Sans papiers: regard sur une chasse

Compte rendu de l'intervention du 27 Septembre 2007.

Intervenants: Soazig DESCHERES
(formation Educatrice spécialisée 3è année)
Gireg BLOUIN
(formation Ingénierie des interventions sanitaires et sociales 1e année)

Rapporteur: Marion DEBAETS
(formation éducatrice spécialisée 3è année)

L'immigration est un sujet d'actualité qui monopolise de plus en plus l'audience médiatique comme en témoigne dernièrement l'amendement Mariani qui préconise, entre autre, un test ADN pour les enfants et les parents prétendant au regroupement familial. Suite à la polémique qui a suivi cette annonce, le texte prévoit des tests ADN uniquement sur la mère de l’enfant. Ils ne seront plus payant mais entièrement pris en charge par l’Etat (qui a dit que nous devions faire des économies ?). Il s'est aussi attaqué aux free party et à la culture libre en générale et soutient les lois sécuritaires de Sarko. Par contre, on parle un peu moins de la défenestration d'une chinoise, décédée vendredi dernier, de l'arrestation musclée d'un grand-père chinois, les grèves de la faim à Lille, etc, etc, etc……..


G Qu'est ce qu'un sans-papiers?
C'est une personne en situation irrégulière soit parce qu'elle est entrée illégalement sur le territoire français, soit parce que son autorisation de séjour n'a pas été renouvelée. Il peut s'agir de demandeurs d'asile déboutés du droit d’asile, d'étudiants ne répondant plus aux critères demandés par la Préfecture pour conserver son titre d’étudiant, de personnes déboutées du regroupement familial, de mineurs isolés devenus majeurs, de salariés à qui on refuse le renouvellement du titre de séjour, etc.
Un sans-papiers n'a aucune existence légale (parce qu'il est clandestin), donc aucun droit : il lui est interdit de travailler, il ne peut toucher aucune allocation de subsistance, l'accès aux soins est très réduit, etc. Il existe une allocation de subsistance versée par le SCODA (Service de Coordination et d’Orientation des Demandeurs d’Asile financé par l'Etat) à toute personne sortant de CADA (Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile) avec un titre de séjour ou non. Elle s’élève à environ 290 euros par mois pour un adulte sans enfant et ne peut être versée que 4 mois par an. Lorsqu’il s’agit d’une personne ou d’une famille avec un ou plusieurs enfants l’allocation est réajusté et peut être touchée toute l’année (mais il s’agit toujours d’une allocation de survie !)
C'est finalement l'Etat qui fabrique les sans-papiers parce qu'il créé et applique des lois qui obligent les immigrés à entrer clandestinement sur le territoire et à vivre dans la clandestinité de peur d’être repéré par la Préfecture. Si l’Etat fustige les Sans-papiers d’un côté, d’un autre côté il les tolère sur le territoire, en effet ce n’est pas parce qu’une personne n’a plus de papier qu’elle est immédiatement expulsable, ainsi des personnes vivent entre deux situations parfois durant plusieurs années : ni régularisables, ni expulsables …
En 1998, on comptait environ 300 000 clandestins, on peut se poser la question de la justesse de ce chiffre étant donné que les Sans-papiers vivent dans la clandestinité …

G Illustrations
Mesdames et Messieurs! Afin d'illustrer ces propos, vont vous être présentés ce soir la situation de quatre personnes! Quatre sans-papiers expulsés (ou près à l'être)! Voici leurs aventures!

Le conjoint de français: C'est l'histoire de Salima, une marocaine. Elle se marie à 21 ans à un gros bâtard français qui décide de rompre au bout de 2 ans de mariage et qui fait appel ensuite au Préfet pour l'expulser. Ce qui fut chose faite puisqu'il faut 3 ans de vie commune ininterrompue après un mariage pour obtenir une carte de séjour (qui l'autorise à rester 10 ans dans notre beau pays). Elle n'eu même pas le temps de prendre ses affaires, de régler le divorce ou de démissionner de son travail. Elle aura tout le temps de régler tout ça une fois arrivée au Maroc, pardi. Cette situation est un véritable droit à la répudiation. Et notre cher président d’affirmer que toute femme qui souffre doit être accueillie par la France …
Ce n'est pas un cas isolé, à voir chaque semaine les listes d'expulsions de Réseau d'Education Sans Frontières (RESF). Chaque sans-papiers est menacé par la malveillance d'un voisin qui peut les dénoncer ou les abus des enquêtes policières qui vérifient que les époux mélangent bien leurs culottes. Dommage pour Salima. Si au moins elle avait fait des enfants, elle aurait eu le droit de rester en France…

L'étranger salarié: Gilles est camerounais et vit sur Quimperlé. Il avait obtenu une carte de séjour "santé" pour se faire soigner puis avait eu une promesse d'embauche en tant que mécano dans la marine car les employeurs trouvaient peu de français pour faire ce boulot. Il lui fallait malgré tout une formation complémentaire. Il s'y engagea mais quelle ne fut pas sa surprise quand le Préfet lui a fait parvenir une obligation à quitter le territoire (OQTF)… parce qu'il était guéri! Il répondait pourtant aux critères de l'immigration choisie, mais non. Va comprendre. Depuis la femme et les enfants d’Alain sont cachés en région parisienne, Gilles est toujours à Quimperlé. Avec l’aide du RESF il a fait appel de la décision de la Préfecture devant le tribunal administratif de Quimper. Si l’OQTF a été annulé, la Préfecture a fait appel de la décision du tribunal depuis …

L'étudiant: Fathi est malien. Il avait obtenu un titre de séjour pour suivre des études supérieures en France. Il devait, pour ne pas se faire expulser, être assidu, présent à chaque examen et les réussir. Il avait aussi une autorisation pour faire sa première année en deux ans pour raison de santé. Il était syndiqué et même élu et reconnu au sein de ce syndicat. Il avait tout pour lui. Sauf que le Préfet a un jour décidé qu'il n'était "pas assidu" et qu'il n'était pas bien "intégré" (l’obtention de toute carte de séjour est soumise au « respect des valeurs républicaine », à l’intégration et tout « trouble à l’ordre public » est soumis à la bonne appréciation du préfet qui décide seul de l’expulsion). Le Préfet a décidé que Fathi n’était pas assidu en cours, bien qu’il ai obtenu l’autorisation de réaliser son année en 2 ans et surtout qu’il était l’objet d’une mauvaise intégration … Chouette pays, non?

Le demandeur d'asile: Bernard et Monique sont albanais. Parce qu'ils ont été persécutés dans leur pays, leur situation répond à la Convention de Genève. Ils se rendent alors à l'OFPRA (Office Français pour la Protection des Réfugiés et des Apatrides, soumit officieusement à des quotas) et apprennent par la suite qu’ils font parti des 72 % de demandeurs d'asiles à être déboutés. Le couple qui a un bébé né en France fait appel de la décision de l’OFPRA à la CRR (Commission de Recours des Réfugiés). Sur ceux qui font appel, seuls 10% obtiennent l'asile. Bernard et Monique ont été déboutés, ils ont reçu une OQTF mais ne sont pas expulsables pour l’instant. Ils sont toujours en France, mais jusqu’à quand ?


Il est important de ne pas confondre les immigrés clandestins et les demandeurs d'asile. Ces derniers sont d'abord des victimes, otages de conflit, de la corruption, des réseaux mafieux gouvernant certains pays, de dictatures... Cependant, la France fait souvent passer ses intérêts propres (un gazoduc par exemple) avant la protection de personnes persécutées. La nouvelle loi de Hortefeux ne fait pas de distinction entre les immigrés et les demandeurs d’asile et juge que les demandeurs d’asile font parti de « l’immigration subie », or la Convention de Genève oblige les pays signataires à accueillir toute personne persécutée dans son pays, cependant les pays sont libres d’appliquer eux-mêmes ce qu’ils entendent par persécutions … Et notre cher président d’affirmer que toute personne persécutée dans son pays doit être accueillie par la France …
Et puis il faut respecter les valeurs républicaines, ne pas causer de troubles à l'ordre public et faire preuve d'une bonne intégration. Rien de plus flous que ces critères qui veulent tout et rien dire. D’autant plus que le préfet est seul à prendre la décision des obligations à quitter le territoire et des arrêtés de reconduite à la frontière, il est seul pour juger des situations, seul à décider et autoriser à faire ce que bon lui semble puisque le gouvernement ne cesse d’augmenter le nombre de reconduites à la frontière à l’année.

Notons aussi que les sans-papiers, mais aussi les demandeurs d'asile n'ont pas le droit de travailler. Ce n'est que lorsque ces derniers deviennent réfugiés politiques qu'ils peuvent prétendre trouver du travail. Exception faite aux demandeurs d’asile ayant fait leur première demande depuis plus de 18 mois sans n’avoir été encore convoqué à l’OFPRA. Dans ce cas ils peuvent faire une demande de dérogation au préfet mais encore une fois il est seul à juger et à prendre la décision finale.

Il est aussi rigolo de constater combien l'Etat tient à conserver la pureté de la race française: pour expulser un clandestin, prenez le prix de trois billets d'avion pour l'expulsé et les deux flics qui l'accompagnent (eux ils auront le retour), calculez le salaire de ces flics qui font si bien leur boulot, facturez les nuits d'hôtel, à l'aller et au retour, chiffrez les frais engendrés par la rétention préalable, plus la maintenance, etc. Bref, on obtient une belle expulsion et des tas d'euros dépensés. Et des immigrés qui, loin d'être dissuadés, continueront à débarquer coûte que coûte.
D'ailleurs, 95% des demandeurs d'asile et des sans-papiers arrivent en France "grâce" à des passeurs. Le trajet coûte très cher (environ 6 000 € pour partir d'Arménie), les familles font crédit auprès des passeurs et doivent payer à l’arrivée …
Les conséquences de cette politique, on les connaît. C'est le travail au noir, les ateliers clandestins, la prostitution, l'esclavagisme, la délinquance, etc. L'Etat criminalise ces individus et produit par là même des délinquants. Ces lois poussent au racisme et à l'amalgame: immigrés = délinquants. La politique gouvernementale d'immigration choisie obéit à des logiques et des motivations économiques: acceptons ceux qui vont nous rapporter de l'argent, ceux qui nous en dépouillent, dehors!
En fermant les frontières, l'Etat souhaite stopper l'arrivée des clandestins. Seulement, parmi les clandestins, on compte des demandeurs d'asiles, c'est-à-dire des victimes, des personnes traumatisées qui cherchent refuge, des personnes qui souffrent de la faim dans des pays à l’économie plus que pauvre à cause de grandes sociétés occidentales qui pillent ces pays et leurs habitants de leur richesse. En les expulsant l’Etat nie son de voir de protection en les renvoyant dans les bras de leurs bourreaux en niant ses responsabilités sur l’état de pauvreté de nombreux pays dits du sud…
Il est donc urgent de réouvrir les frontières et de permettre la libre circulation des personnes tout en favorisant l'essor des pays en voie de développement. Cela permettrait la venue de personnes persécutées et nuirait aux réseaux de passage qui sont tenue par des mafias qui n’ont rien d’humanitaire mais qui exploite la misère humaine. Emmanuel TERRAY, ethnologue et sociologue, fait 10 propositions pour résoudre le "problème" de l'immigration et ainsi traiter le sujet autrement.

On tend aujourd'hui de plus en plus vers une criminalisation de l'immigré qui, comme au 19e siècle, parce qu'il fait parti le plus souvent des classes laborieuses, appartient aux classes dangereuses. L'étranger est un rebelle qui, par son "statut", cause préalablement des troubles à l'ordre public. Et on nous le prouve! Regardez les "émeutes" de 2005! Tous ces Noirs et ces Arabes qui brûlent des voitures! La France, aimez-là ou quitter là, bon Dieu!

Parlons aussi du nouveau Centre de Rétention Administratif de Saint Jacques de la Lande, construit en juillet 2007 à 100m de l'aéroport de Rennes. Gireg en témoigne, l'architecture de ce centre ressemble à une prison, à un camp de transit: grillage de plus de 3m de hauteur, puis chemin de ronde éclairé 24h/24h, puis un deuxième grillage de 5m de haut avec barbelés, plus un talus et des broussailles sur environ 40m, plus un système de vidéo-surveillance. Et ce ne sont pas des criminels… Le centre de rétention administrative de Rennes est un centre très moderne : il possède des « quartiers famille », peu de centre de rétention en France en possèdent. Il est donc désormais possible d’enfermer des enfants dans ce centre. D’ailleurs si vous vous promenez à saint Jacques le long de ce centre vous pouvez observer les enfants jouer sur une aire de jeux spécialement aménagée pour eux … derrière les grillage et les barbelés … Ces centres rappellent froidement une certaine période de l’histoire : information au dernier moment des personnes de ce qu’elles vont devenir : passage devant le juge, expulsion … Cela créé des états de stress permanent. Certains « individus » jugés trop agités sont forcés à avaler des médicaments pour être plus tranquilles. On arrêtera ici la liste des manques aux droits humains dans ces centre mais le rapprochement avec les camps de concentration n’est véritablement pas si loin.

Enfin, savez-vous que si vous vous prêtez à embarquer à bord d'un avion accueillant un immigré en voie d'expulsion et que vous vous opposez à cautionner ces pratiques en refusant d'attacher votre ceinture, vous encourrez 5 ans d'emprisonnement. Dénoncer un sans-papiers, c'est quand même moins risqué…et peut-être même qu'on a une récompense.

Voici enfin une liste de collectifs ressources en matière d'immigration (ça allait trop vite alors je n'ai parfois que les abréviations):
- CIMADE: seul organisme habilité à rencontrer les personnes détenues dans les centres de rétention. Ils sont hyper calés en droit des étrangers.
- GISTI: spécialistes du droit des étrangers, se mettent à disposition pour répondre aux questions.
- La Ligue des Droits de l'Homme
- MRAP (Mouvement contre le Racisme et l'Amitié entre les Peuples): pour le respect, la dignité et les droits humains
- FASTI: réseau d'association établi à Nantes. Pour la solidarité entre les immigrés et les français.
- RESF (Réseau d'Education Sans Frontières): milite pour les sans-papiers et les enfants scolarisés menacés d'expulsion.
- RUSF (réseau Université Sans Frontière) : milite pour les étudiants sans-papier. Sur Brest et Rennes

En conclusion, deux visions du progrès social et démocratique s'offrent à nous: celui qui implique l'accueil et la protection, et celui qui se construit sur l'exclusion. Il est urgent d'inventer de nouvelles formes de mobilisation et d'intervention si nous ne voulons pas devenir les complices d'une politique qui nous avait fait peur un certain 21 avril 2002.
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